Chaleureux avec ses amis, toujours attentif au simple bonheur mais le regard en éveil aux différents travers de l'existence et des situations originales dispensées par la vie quotidienne, Roger HERSON a voué son existence à l'art.
Depuis l'Ecole des Beaux Arts de Rouen en 1942, et un talent de caricaturiste que ce déporté du S.T.O. produisait dans les camps de prisonniers de guerre au gré d'une troupe théâtrale itinérante, Roger HERSON se préparait à "croquer" ses semblables puisque après-guerre, il confectionnait les panneaux monumentaux qui agrémentaient les façades des cinémas, avant de devenir de 1950 à 1987 l'un des dessinateurs du quotidien "Paris - Normandie".

Bien sûr, hormis ses mémorables croquis d'assises et les dessins illustrant les pages jeunesse et humoristiques, Roger HERSON est peintre depuis toujours et il le prouva dès 1947 en exposant à Rouen à la célèbre galerie Legrip.
Mais c'est véritablement depuis 1984 qu'il a renoué avec le monde artistique local où il dispense sagesse, talent et esprit novateur et audacieux en s'imposant en informel d'une richesse et d'une vitalité insoupçonnées.

Paisible et observateur, Roger HERSON transmet ainsi en ses œuvres le contact chaleureux dont bénéficient ses amis. Il se délecte des visages, des corps en un figuratif épuré, aux larges plages de couleurs, aux contours fluides et caressants, tandis que ses émotions intimes se découvrent en recherches mythiques d'un remarquable équilibre et d'une expression ensorcelante.

André RUELLAN, critique d'art

De l'expressionnisme à l'abstrait

Bien qu'il maîtrise l'art du dessin avec une stupéfiante sûreté, Roger Herson revendique une approche instinctive de la peinture. Offrir de la nature une copie conforme ne l'intéresse en rien. Quand il commence une toile, il ne sait jamais tout à fait où il va. Mais il demeure fidèle à trois couleurs : l'ocre rouge, l'ocre jaune et le bleu outremer. « Avec ça, affirme-t-il, on peut tout faire ». Et manifestement il le prouve...

Parmi tous les artistes que nous avons eu le privilège de côtoyer. Roger Herson occupe une place particulière dans notre petit « musée imaginaire ». Son authenticité et son talent l'ont rapidement démarqué d'un grand nombre de ses confrères. Tous les peintres ne méritent pas d'entrer dans la grande famille de l'art. Il leur faut pour cela démontrer qu'ils possèdent un monde, une écriture et une certaine capacité de remise en cause. Depuis vingt ans que nous le connaissons, Herson nous a toujours surpris par sa jeunesse de cœur et son humanité. Régulier dans son travail - il peint plutôt le matin - il laisse son imagination guider sa main, sans avoir l'obsession de refaire ce qu'il a réussi la veille. De fait, il aime à se surprendre, assumant chaque jour le risque de manquer la cible. Il travaille avec gourmandise et c'est bien la seule chose qui compte. Que serait l'art sans le désir ?

Issu de l'Ecole des Beaux-Arts de Rouen, où il étudia de 1938 à 1942, Roger Herson oeuvra un temps dans la publicité pour le compte d'une société parisienne (Jeunes Artistes du Cinéma). Il fut ainsi plongé dans l'univers du 7ème art. En 1950, il entra à Paris-Normandie en tant que dessinateur et caricaturiste. Il y travailla trente huit ans, immortalisant de son trait quelques procès retentissants, se montrant au besoin incisif mais toujours avec élégance. Chez Herson la peinture opère à la manière d'un stimulant. C'est d'abord un homme qui sait vivre et faire partager ce qu'il aime. Pendant que nous nous entretenons devant une tasse de café, une jolie ballade américaine égrène ses notes à la radio et les toutes premières feuilles frémissent à la cime embrasée des arbres. Tout semble avoir été prévu pour que l'heure nous soit fraternelle.

Présent dans les principaux salons de la région de Rouen, Herson a, entre autres, exposé dans le cadre de l'U.A.P. (Union des Arts Plastiques de Saint-Etienne du Rouvray). Il a aussi participé aux fameuses rencontres de l'Aubette. La galerie Daniel Duchoze, dont chacun connaît l'exigence, l'a exposé à trois reprises. Il a également entretenu d'excellentes relations artistiques avec Williams et Dominique Cordier, qui ont tant fait pour les artistes. Aussi loin que l'on puisse remonter dans le temps, les travaux de Roger Herson ont toujours affiché une signature particulière. Excellent portraitiste, il s'inspirait en général de visages connus pour en faire, le plus souvent, autre chose qu'une « photographie », répondant davantage à une perception intérieure qu'à un souci de ressemblance. Héritier du cubisme et de l'expressionnisme, son langage a su évoluer vers une manière plus libre et dépourvue de références immédiates au réel. L'agencement des traits, des signes, des courbes anguleuses et arborescentes pourrait le faire assimiler à l'abstraction géométrique, mais ce serait encore vouloir l'enfermer dans une case. La table-palette de Roger est lourde de soixante ans de peinture. Un jour il envisage de l'exposer.

Amateur de littérature policière et collectionneur dans l'âme (il aime par dessus tout les cannes, les armes blanches, les pipes et les escargots), Herson possède une grande affection pour les femmes. Il a peint un grand nombre de nus dont les seins en forme d'obus ont probablement inspiré son style graphique actuel. Les contours des visages et des corps annonçaient, d'une certaine manière, ses recherches les plus récentes. Travaillant aussi bien la gouache, le pastel que l'huile et l'acrylique, Herson est un adepte du format Jésus. Il aime peindre sur papier d'Arches et ne dédaigne pas l'emploi de planches de récupération, fabriquant des œuvres curieuses qui rappellent les « arts primitifs », un peu à la manière d'un Emmanuel Dilhac.

Quoi qu'il entreprenne, Roger Herson le fait avec la joyeuse insolence d'un amoureux fervent de la vie. Sa nature sensible et pudique métamorphose le quotidien en constante aventure picturale.

Luis PORQUET