Luis PORQUET, écrivain - critique d'art

Hybridations contemporaines


La démarche artistique dont se réclame Hervé LABROT associe deux passions : la pratique de la photographie et celle de la peinture. Très jeune, il fut tenté par une carrière artistique à laquelle ses parents opposèrent une certaine réticence. Il opta donc pour la technologie, plus conforme à l’idée qu’on se faisait de son avenir. Est-ce le souvenir de son grand-père artiste peintre qui l’empêcha de tourner le dos à son désir ? Toujours est-il qu’à 28 ans, il prit des cours dans une école privée de Namur où il comprit toute l’importance de la lumière, des ombres et du traitement nuancé de la couleur.

Ecoutons son témoignage :

«Doté d’un métier me permettant de vivre correctement - j’ai travaillé un certain temps pour l’Arsenal de Cherbourg dans le cadre d’une société privée - j’ai pu toutefois préserver mon indépendance. Pendant toutes ces années, la photo fut mon bol d’oxygène. J’ai même collaboré à la construction de l’Usine nucléaire de La Hague dans le domaine documentaire. C’est par ce biais que j’ai découvert l’informatique, outil qui allait m’ouvrir de nouvelles perspectives artistiques… Ayant repris des cours dans le domaine de la peinture et du graphisme, j’ai opté pour un amalgame de prises de vues couplées à une palette graphique appliquée sur toile, cette dernière associant résistance et légèreté. Dans chaque sujet que j’entreprends, Martine, mon épouse, est mon premier critique Au départ, j’utilisais du papier aquarelle. Canson et Arches ont notamment mis au point un blanc d’une brillance exceptionnelle. En résumé, mon travail qui part de la photographie incorpore graphisme et peinture pour créer un langage qui m’est propre.»

Mais en France, comme chacun sait, on se méfie de tout ce qui présente un aspect atypique, hybride ou difficile à contenir dans une seule case. Ce préjugé n’épargna pas Hervé LABROT qui
reconnaît avoir bien plus d’échanges avec les peintres et plasticiens qu’avec les photographes proprement dits. Les photographes anglais, en revanche, accueillent plus volontiers ce qu’il fait. Cela ne leur pose pas de problème particulier, ce qui n’est pas pour nous surprendre. Il y a dans le travail de LABROT une fusion des éléments qui rend chaque technique relativement indécelable et crée ainsi le trouble chez le spectateur. L’important pour un artiste est d’avoir quelque chose à dire, comme le soulignait Picasso. « Il s’agit de créer un ressenti pour les autres comme pour soi-même » surenchérit Hervé LABROT qui avoue sa passion pour Magritte, Dali, Miro et Enki Bilal. Il y a chez lui quelque chose qui eut sans doute capté l’attention des surréalistes, ces grands joueurs aimant dynamiter le réel pour lui faire dire ce qu’il nous cache.

S’il dit s’apparenter à la nouvelle figuration critique, Hervé LABROT ne saurait être captif d’un concept par trop étriqué. C’est en franc-tireur qu’il agit, portant sur le monde d’aujourd’hui un regard à la fois incisif, distant et critique. Connaissant les bienfaits du progrès, il en évalue aussi les limites, notamment en termes d’éthique et de normes comportementales. L’entretien de la mémoire, de l’esprit de résistance et de la conscience morale sont pour lui des données précieuses, un patrimoine intellectuel à sauvegarder face au rouleau compresseur du profit sans limite qui mènerait l’Humanité à un désastre inéluctable si quelques citoyens honnêtes et compétents n’élevaient la voix, au détriment parfois de leur sérénité sociale. Quand on se penche de près sur ses œuvres hautes en couleur, on s’aperçoit qu’aucun de ses thèmes n’est neutre. Face à une société où l’abondance finit par asphyxier la liberté, il adopte la posture du veilleur et de l’homme lucide, décryptant cette part occulte des messages que la publicité, la propagande et l’impérialisme financier nous adressent chaque jour comme un nuage toxique. Tout se passe comme si nous étions sous anesthésie permanente. Les images de Labrot sont là pour nous tirer de nos torpeurs.


André RUELLAN, critique d'art

www.art-culture-france.com


Voici un artiste qui a su marier l'humour et la singularité : contrarié dès son jeune âge dans son désir de formation artistique, Hervé LABROT opte pour les études d'architecture. Mais un séjour en Belgique lui permet enfin de s'inscrire à des cours d'art, tout en continuant à se passionner pour la photographie. Et deux décennies plus tard, il découvre les possibilités de la technique numérique avec lesquelles il peut enfin mettre en œuvre dans ce début de siècle tous ses désirs créatifs associés : la photo, le graphisme et la couleur au fil de ses réflexions.

Ainsi, après avoir présenté le fruit de ses travaux en Allemagne et au Benelux, Hervé LABROT expose enfin dans l'Hexagone, et plus particulièrement en Basse-Normandie au gré de salons et de
galeries captivés par cette vision inédite, et tout à fait dans la mouvance d'un siècle encore neuf.

Un style véhément, social et universel se déploie sous l'apparence de savoureuses compositions réalistes, ironiques et audacieuses, où tout en manipulant les techniques informatiques, l'artiste bouleverse les codes plastiques et déclenche une vision des êtres, des lieux et des choses avec une intelligence acérée associant la séduction de la BD tout en adoptant le pamphlet créatif avec une puissance visuelle peu commune.

C'est à la fois poétique, acerbe ou dramatique, mais toujours captivant grâce à ce côté dopant et miraculeux d'un nouvel art que cet artiste maîtrise et offre avec l'exigence du talent.


Brigitte CAMUS, journaliste


Hervé Labrot partant de ses prises de vues et dessins au trait, d’images et de peinture virtuelle recrée des collages numériques autour d’un thème : le résultat est réussi, car il ne s’égare pas dans des suites d’images dépourvues de sens ou décoratives.

Il part d’un concept, le développe en le mettant en images. Il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il est dans la critique sociale, en mêlant humour et en portant un regard ironique ou acerbe sur certains de nos travers.
Il sait aussi se moquer de lui comme dans son œuvre "le Peintre", sans omettre les clins d’œil à ses maîtres, comme Magritte (il a vécu en Belgique).

Son univers qui pourrait être une post figuration narrative ou post nouveau réaliste, est teinté de surréalisme et d’ un côté oulipien très réjouissant : la verve d’un artiste qui ne se prend pas au sérieux mais qui progresse dans sa recherche avec tout le sérieux dont il est capable, attaché à mettre toutes les chances de son côté.