CRITIQUES



Dans le vif du sujet

D'une véhémence joyeuse, la peinture de Pierrette Paillot se caractérise par une gestuelle expressionniste et une certaine exubérance de la palette. D'inspiration urbaine plutôt que pastorale, elle aime à restituer l'ambiance fébrile des rues, ses stridences et sa faune bariolée, cosmopolite, faisant très fréquemment songer aux improvisations de jazz. Travaillant sur le motif, y compris dans les grands formats, elle applique directement la couleur sur la toile, ne redoutant pas les surépaisseurs, les saillies qui, parfois, soulignent tel détail architectural ou le modelé tout en rondeurs d'un corps. L'atmosphère trépidante et nostalgique des quais, le gris plombé des ciels normands, le mouvement étourdissant de la Foire Saint-Romain, les églises entrevues sous divers éclairages et l'univers baroque du cirque sont les thèmes d'inspiration qui reviennent le plus souvent hanter son imagination. "Peintre avant toute chose, j'aime marier les couleurs et peins la vie à l'état brut, explique-t-elle. Je revendique par dessus tout ma liberté."
Aux antipodes du maniérisme, la peinture de Pierrette Paillot s'exprime d'un jet, sans repentir, avec cette fougueuse innocence propre aux enfants sans âge. Originaire de Fourmies, dans le Nord, et petite-fille de typographe,

elle a du caractère et affiche une certaine audace à raconter le monde telle qu'elle le voit : sans fard. Pratiquant la peinture à l'huile et l'acrylique sur toile, elle ne néglige ni le pastel, ni la gouache qui répond parfaitement à son tempérament. Sa touche est large et se joue fréquemment des règles policées et savantes du bon goût. C'est ainsi qu'elle n'hésite pas à reformuler certains aspects de la réalité, triturant le paysage ou la morphologie de ses sujets, à l'exemple de ce cargo accosté sur un quai de Rouen sous l'étrave duquel pose un brave marin russe. Dessinant et peignant depuis son plus jeune âge, Pierrette Paillot a suivi les cours des Beaux-Arts de Rouen où Savary, Chaplin, Lasgy furent ses professeurs.
A cette époque, elle allait peindre au Théâtre des Arts quand musiciens et comédiens se trouvaient en répétition. Elle a toujours aimé travailler sur le vif. dans le mouvement impétueux des choses et cultive le sens du gag. Installé dans un ancien garage, son atelier d'été vient nous rappeler qu'elle s'intéressa un temps au thème de l'automobile, non sans facétie il est vrai (Le pilote en cale sèche ; Le centenaire de l'automobile, etc).
D'un jaillissement impétueux et toute pétrie d'humanité, la peinture de Pierrette Paillot se donne à voir sans afféterie, empoignant la vie comme elle va.

Luis PORQUET (octobre 2004)


Pierrette Paillot va droit au but : elle peint comme elle voit.
Elle peint comme elle sent.
Elle voit la danse des rues, le mouvement de la vie.
Elle sent la force du monde, l'invisible poussée des germes qui bousculent la réalité. Honfleur de guingois, le jour où le vent souffle du large, le jour où le pêcheur a oublié sa peine d'amour au café. Là où tout est chaleur. Et si le clown est triste, c'est qu'il n'a plus que son nez rouge pour illuminer la vie des gens déboussolés et qu'il doute.
Pierrette Paillot joue comme ça : à pile ou face la réussite ou le dérapage. La peinture à plein tube - la peinture à pleine main. Sincère. Authentique. (Tant pis pour les sages : qu'ils aillent amarrer leurs péniches au gré des habitudes). Ici, on fête la vie. Comme elle va. Cahotante. La vie à aimer. Malgré tout.
Il s'agit de peinture vraie. D'un acte d'amour. Fougueux.

Roger BALAVOINE (avril 1993)



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