Alain HENNEQUIN
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Critique
« Romantique moderne »
Dans son enfance, Alain Hennequin, déjà, reproduit tout ce qu’il voit. Malgré son profond désir de faire une carrière de peintre, il est freiné par des contraintes familiales et professionnelles pour ne vraiment réaliser son rêve qu’à l’heure de la retraite qui, par bonheur, sonne relativement tôt. Cependant, dès son 28ème anniversaire, son épouse, Annie -indissociable d’une œuvre qu’elle ne cesse de soutenir-, lui offre une boîte de peinture qui le remet rapidement en selle. Autodidacte, il estime avoir perdu du temps dans l’avancement de son travail. Rapidement pourtant, son style est reconnu comme personnel et il expose régulièrement depuis l’aube des années 2000. Dès le départ, il teste le pastel à l’huile car il ressent le besoin d’un corps gras. L’aquarelle suivra, mais très vite il opte pour l’huile, matière avec laquelle il se sent particulièrement à l’aise. D’abord, il s’inspire beaucoup des ciels de Boudin auxquels il donne une grande fluidité. Attiré par le merveilleux et les cités antiques, il ne tarde guère à s’orienter vers le fantastique et à théâtraliser ses œuvres dans lesquelles le spectateur éclairé peut lire aussi ce qui ne se dévoile pas aux yeux de tous.
La musique classique l’accompagne toujours, tant et si bien qu’il a le sentiment parfois de peindre des opéras. Depuis le début des années 2000, il peint quotidiennement, souvent une dizaine d’heures d’affilée. Il commence par travailler la couleur, à l’instinct, car elle est son moteur. A partir d’elle se crée une histoire qui guide l’artiste, lequel se donne ses propres contraintes de manière à conserver un maximum de liberté. Les livres l’ont aussi beaucoup nourri, tout comme les musées ou les expositions. Rien de tel pour avancer que d’aller voir le travail des grands. Par exemple, celui de Turner, Zao Wou Ki, José-Luis Bustamante ou Caspar David Friedrich dont l’œuvre l’a longtemps porté et inspiré. Alain Hennequin pratique volontiers la série, exploitant sans relâche « le souffle de la lumière ». L’une d’elles, consacrée aux ponts, symbole qui l’intéressait tout particulièrement, s’est d’ailleurs largement étirée. Il a choisi d’y mettre fin avec un très beau Pont brisé. Chez lui, nous sommes toujours « à la lisière de l’abstraction » et, souligne-t-il, « à l’orée de la mer » que l’on pourrait d’ailleurs rejoindre à pied depuis sa maison.
Techniques et supports peuvent varier selon l’envie. Le papier peut se substituer à la toile où les couches d’huile peuvent venir se superposer en tonalités violettes éclairées par une pointe de rouge et de blanc qui arrive comme des coups de poignards. Sur toile, nous avons un beau travail de matière tout en finesse et en surépaisseur, entre jaune et rouge, dans des tonalités mauves, avec une ligne d’horizon tranchée et un ciel éthéré. Outre l’univers aquatique, l’artiste est souvent proche du minéral, de la montagne et des profondeurs de la terre qui cachent l’inconnu, mais peuvent aussi le faire jaillir en jets de feu ou de magma. Au fil de l’histoire en cours, l’artiste aime laisser quelques empâtements et retravailler quelques veines ou accidents après avoir laissé la toile se reposer telle une pâte à pain qui lève. Un moyen aussi d’éclairer l’œuvre par quelques touches de lumière. Le mouvement est également recherché entre voiles et transparences, neige et nuages. La matière se fait de plus en plus présente au sein de l’œuvre qu’elle a tendance à ancrer à la terre tandis que le ciel se fluidifie.
L’ensemble a un côté grandiose, monumental, quelque chose de cinématographique, des plans jamais figés. Une peinture vivante qui cherche à nous montrer ce que l’on peut trouver au-delà du visible. Le trou, la béance, marquent aussi le chemin d’Alain Hennequin ainsi que le passage, thème qui l’a, à son tour, marqué durablement. Un passage mystérieux, à la fois lourd et léger, qui peut mener à un palais évanescent, isolé en pleine mer, ou ruiné. Un passage nourri de lectures et de littérature, l’artiste étant un grand lecteur qui apprécie de donner à ses œuvres des titres généralement courts et efficaces. Passage de lumière aussi, qui influe sur les formes et la matière, de plus en plus travaillée et qu’il laisse s’exprimer autant que possible. Une œuvre toujours très contrastée entre fluide et dense, en petites touches ou en aplats ; entre roche pure, tranchante et lumineuse comme de l’acier sous les rayons du soleil, et des voiles superposés, plus ou moins opaques, entre lumière et clair-obscur. Une œuvre où le geste prend de l’ampleur, qui gagne graduellement en force, en énergie.
Elisabeth LE BORGNE, critique d'art
Expositions
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