Agenda
BASTIA : EXPOSITION ELINA BROTHERUS "SEBALDANIA. MEMENTO MORI" AU CENTRE MEDITERRANEEN DE LA PHOTOGRAPHIE
Du 20/02/2020 au 22/03/2020
Centre Méditerrannéen de la Photographie, Cité Comte - Résidence Pietramarina, 20200 VILLE-DI-PIETRABUGNO
Du 20 février au 22 mars 2020,
Elina BROTHERUS
"Sebaldania. Memento Mori"
Avant ma première visite en Corse, j’ai lu des récits corses écrits par W. G. Sebald, intitulés « petites proses ».
C’étaient des textes préparatoires pour un livre sur la Corse, qui est resté inachevé à cause de sa mort prématurée. Sebald est un écrivain unique et difficilement classable : entre essayiste, romancier et historien, il est érudit sans être ennuyeux, poétique sans sentimentalisme. Il s’intéresse à des sujets profondément humains sur l’Europe d’après-guerre avec un grand sens d’historicité. L’usage qu’il fait des photographies dans ses livres a inspiré beaucoup d’artistes.
Sebald décrit un certain hôtel sur les roches rouges escarpées surplombant le village de Piana sur la côte ouest de la Corse. Son narrateur va se baigner sur une plage sauvage et, à peine arrive-t-il à regagner le rivage. Dans le cimetière du village, il observe autour des pierres tombales des petites herbes sauvages, les plus modestes de la nature, en contraste absolu avec les plantations d’ornement funéraire strictement géométriques de son Allemagne natale. Il parle ensuite de l’utilisation relativement récente des cimetières en Corse. La vieille coutume était d’enterrer les défunts sur leurs terres – dans un bel endroit – , peut-être sous un arbre particulier ou bien sur une pente derrière la maison familiale d’où ils pouvaient continuer à dominer par leurs regards la vue sur le terrain ancestral. « Les sans-terre étaient simplement jetés dans un ravin . »
Sebald est devenu mon guide pour la Corse. Je me suis rendue aux endroits dont il parle : la forêt d’Aïtone et le massif de Bavella ; l’hôtel, la plage et le cimetière de Piana ainsi que son arrière-pays avec ses roches sculptées. Je pensais à mes morts. Je cherchais des lieux si beaux que, si j’avais été corse, j’aurais aimé les y enterrer. J’ai ramassé des herbes sauvages dans le cimetière de Piana pour constituer un herbier. Mon père était photographe amateur et c’est lui qui m’a offert mon premier appareil photo. Quand ma mère a été veuve à l’âge de 37 ans, elle s’est inscrite dans une école d’art où elle s’y est épanouie durant quatre ans. Je suis photographe grâce à mon père, mais c’est grâce à ma mère que je suis artiste.
Ma mère est décédée quatre ans plus tard à 41 ans. Elle était née la même année que Sebald mais elle est morte 16 ans avant lui. Récemment, j’ai retrouvé du papier aquarelle qu’elle n’avait pas eu le temps d’utiliser. Les feuilles avaient souffert de l’humidité, elles étaient tachées et en partie moisies. C’est ce papier-là que j’ai décidé d’utiliser pour les cyanotypes de mon herbier de Piana.
Ainsi, cette oeuvre est devenue un hommage non seulement à l’île de Beauté et à mon écrivain préféré, mais aussi à ma mère, Ulla Brita Brotherus née Sommar (1944-1985).
Elina Brotherus
Helsinki, le 29 janvier 2020.
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