Michel Clos ou la mémoire
du cœur
Rencontrer Michel Clos, l'homme de «
La Poulinière », échanger
avec lui une poignée de main, parler
de la vie qui va, d'un long et beau poème
de Bernard Dimey, du gravier rouge qui crisse
sous nos pas ou de la plante qui fleurit
en hiver, c'est déjà connaître
le peintre.
Se placer devant l'œuvre, multiple,
à fleur de toile et pourtant si profonde,
traverser le miroir des signes pour mieux
sentir ce qu'il y a derrière le visible,
c'est trouver l'homme.
Michel Clos peint comme il respire. Pour
vivre. Pour être.
Si l'homme aime à se retrouver seul
- et de là vient sa foi - le peintre,
en revanche, refuse de se laisser enfermer.
Il s'impose des thèmes, la femme,
le spectacle, l'Afrique ; mais c'est pour
les réinventer. Comme ces enfants
qui réinventent le jouet offert et
le reconstruisent patiemment.
Pareil au clown qui se masque sous l'insolite
maquillage, il ne frappe jamais l'auguste.
Il décompose le mouvement. Il fait
voir.
Ses femmes sont des femmes-jardins, ses
enfants des enfants-pierrots, et ses arbres
des arbres-lampions.
La couleur, cette couleur insolente et tendre,
n'est jamais posée sur la toile.
Elle en jaillit comme la fleur naît
du champ.
Le trait est une flèche qui contraint
l'œil à prendre la route du
voyage. Quand le trait marque une pause,
alors la musique éclate et c'est
une musique de cirque, agile, chromatique,
irrévérencieuse.
Ce bonheur de toute une œuvre, cette
ronde de la vie, cette fête qui n'en
finit pas de témoigner, c'est le
cri d'une mémoire. Par chance pour
nous, cette mémoire est un cœur.
Claude
MARTI - Paris - 3 décembre
1982
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