Au fil de l’eau

Si la pratique de l’aquarelle demeure un art à part entière, elle est souvent boudée au profit de la peinture à l’huile. Sa légèreté déroute, alors qu’elle est une source de rêverie, de poésie inépuisable. Christiane Lecomte, qui l’a redécouverte avec bonheur, en a fait son jardin secret. Un jardin qu’elle cultive avec délicatesse.

Humble devant la tâche, Christiane Lecomte est revenue vers l’aquarelle après une trentaine d’années d’absence. Adolescente, ses dons n’avaient pas échappé à l’attention de ses professeurs. Mais les nécessités de la vie l’amenèrent à se détourner de sa passion. « Née dans le bocage normand, je ne m’en suis jamais éloignée, sauf au moment de mes études à l’Ecole Normale de Caen, période au cours de laquelle je me suis un peu égarée nous dit Christiane avec humour. J’ai accompli toute ma carrière dans l’enseignement. Pendant toutes ces années, j’avais presque oublié que je faisais de la peinture. C’est au moment de ma retraite que tout a pu recommencer. Un vrai plaisir pour moi ».

Quand on délaisse une authentique passion, elle finit toujours par vous rattraper. Mais trente années sans peindre c’est tout de même un peu long. Au moment de se remettre à l’ouvrage, Christiane Lecomte éprouva un besoin de perfectionnement tout à fait légitime. Elle s’inscrivit donc dans un groupe en vue de parfaire sa pratique. Professeur de sciences naturelles, ses dons d’observation lui furent d’un apport très précieux dans l’approche du dessin qui ne doit pas cependant trop figer le sujet. Il n’est ainsi pas étonnant qu’elle se soit prioritairement attachée au monde floral et végétal. Elle s’y sent de fait comme chez elle, ajoutant à ses thèmes d’inspiration cette touche de sensibilité qui fait toute la différence. Techniquement liée à sa pratique, l’eau sous toutes ses formes l’attire. Elle en explore les reflets, les tourbillons et les méandres. Les gorges de la Vire, il est vrai, sont à deux pas de sa charmante demeure de Guilberville. Et Christiane, de surcroît, milite en faveur de l’environnement. C’est une écologiste qui sait de quoi elle parle.

Au cours de l’année 2005, le magazine Pratique des Arts consacra tout un reportage au travail de Christiane Lecomte, lauréate d’un concours d’aquarelle organisé par cette luxueuse publication et qui devait lui permettre d’aller peindre en Toscane. Ayant par ailleurs remporté le 1er Prix au IVème Salon des techniques du papier à Lisieux, elle voyait son rêve prendre forme. Christiane pourtant reste modeste et mesurée, déclarant que toute sa vie elle ne pourrait jamais se considérer que comme une débutante. N’est-ce pas finalement une forme de sagesse que bien des peintres (en devenir ou pas) trouveraient profit à cultiver ? En dehors de l’habileté personnelle de l’artiste, la magie de l’aquarelle tient pour beaucoup à la manière de préparer le papier. Christiane Lecomte l’humidifie de plus en plus. « L’aquarelle, dit-elle, laisse une part assez grande au hasard. On ne saurait prétendre s’y montrer infaillible. Tout réside dans l’alchimie qui s’opère entre l’eau et les pigments de couleur et leur façon particulière de circuler. En tant que professeur de sciences, j’ai toujours aimé entreprendre des expériences. Sur mes toiles, je mêle notamment l’eau à l’huile, ce qui provoque souvent des effets très inattendus. La difficulté avec l’aquarelle réside dans la gestion de la surface et la manière dont les couleurs vont se comporter sur la page. Rien n’est jamais gagné d’avance. Il faut laisser une place à l’imprévu qui parfois nous permet d’avancer.»

Dans son retour à l’aquarelle, Christiane Lecomte eut le bonheur de travailler auprès de Jean-Louis Morelle qui l’accueillit le temps d’un stage. Cette rencontre combla ses attentes. Peu de temps après, le peintre Ben Ami Koller, dont l’œuvre fait autorité, lui fit prendre conscience des ressources de l’abstraction vers laquelle elle tend de plus en plus. Ayant vu ses derniers travaux, nous ne pouvons que l’y encourager. L’art abstrait dissipe toutes les barrières, permettant un jeu avec l’infini, un changement permanent d’échelle qui rappelle quelquefois le spectacle du microscope. Mais Christiane Lecomte ne doit pas délaisser la figuration. Elle a encore des choses à faire en ce domaine.

Invitée dans de nombreux salons, spécialisés ou non, Christiane Lecomte poursuit sa route, pas à pas mais avec constance. Habituée à la randonnée, elle connaît le prix de la patience et de l’effort et sait adapter sa vision aux images qui se présentent, les plus proches comme les plus lointaines, passant d’une tige de graminée à la courbe indolente d’une colline. « Voyager c’est se confronter à l’intime comme à l’infime » nous dit un jour Jacques Lacarrière, l’auteur de Chemin faisant. Parallèlement à la peinture, Christiane Lecomte pratique la photographie, expérience qui conforte son approche du monde. C’est avec un plaisir timide qu’elle nous a entrouvert les portes de  son petit « jardin secret » dans lequel nous avons pu admirer anémones, capucines et coquelicots, présences silencieuses et sensibles. Des pages comme « Le fond du vallon », « Petit lavoir sur la Gorre » ou « Le temps des champignons » illustrent délicieusement la finesse de leur auteur. Les Britanniques, qui, contrairement à nous, tiennent l’art de l’aquarelle en haute estime, montrent un grand intérêt pour les œuvres de Ch. Lecomte. Nous comprenons et partageons leur enthousiasme. Pour un peintre, il n’est pas de sujet mineur. C’est la vie sous toutes ses formes qui parle à travers lui. Il y a dans les fleurs plus de grâce que dans les discours. On comprend assez mal que l’on puisse les malmener.

Luis PORQUET


J'aime beaucoup écrire à propos de Christiane LECOMTE : ses oeuvres, ses écrits, ses déclarations sont l'honnêteté même et émettent une façon de créer gorgée de plaisir en toute simplicité.

D'abord, (permettez-moi ce facile jeu de mot !) l'artiste annonce la couleur en se référant aux sources photographiques des motifs qui l'intéressent, avant de se lancer avec modèles vivants et jardins familiers. Et puis, elle est la preuve que la peinture, ça ne s'oublie jamais et qu'un long laps de temps sans pratique ne nuit jamais au talent vrai et à la sensibilité profonde.

D'autant que Christiane LECOMTE manie avec maestria ce qui ne supporte aucun repentir : l'aquarelle. Et avec quel brio et une véritable personnalité.

Sa manière de décrire les fleurs, par exemple, échappe au fameux "documentaire" des Ecoles des Beaux Arts d'antan, et il faut voir comment elle traite avec sûreté et originalité d'audacieux paysages.

Quant aux nus, Christiane LECOMTE a su résister aux effets du genre, et même si la sensualité y est moindre, combien se dégagent harmonie et charme sous la célérité du pinceau et la sobriété bien venue de la gamme de couleurs que l'artiste utilise admirablement.

André Ruellan, critique d'art
www.art-culture-france.com

[english version]

I like writing about Christiane LECOMTE a lot: her works, her writing, her speeches have such honesty and are produced in such a way as to create them full of pleasure by their utter simplicity.

Firstly, (please allow me to say) the artist plunges straight into colour by referring to photographic sources for motifs which interest her, before commencing with living models and familiar gardens. And then, she is the proof of the painting, which one will never forget, and that a lengthy lapse without practice never damages true talent and profound sensitivity.

How much is Christiane LECOMTE obsessed by mastery that tolerates no touching-up, viz watercolours. And with such panache and true personality!

Her method of describing flowers, for example, eschews the famous “documentary” of the Fine Arts Schools of yesteryear, and one has to see just how she treats bold landscapes with sureness and originality.
As for nudes, Christiane LECOMTE has been able to resist the effects of the genre, and, even if there is less sensuality there, see how harmony and charm are released with the speed of the brushstrokes and the well achieved sobriety of the range of colours which the artist uses admirably.

André Ruellan

[Deutsch Version]

Ich schreibe sehr gerne über Christiane LECOMTE, ihre Werke, ihre Schriften, ihre Erklärungen sind die Aufrichtigkeit selbst und bringen in aller Einfachheit eine ernorme Schaffensfreude zum Ausdruck.

Zunächst (verzeihen Sie mir dieses simple Wortspiel!) sagt die Künstlerin die Farbe an, indem sie sich auf die fotografischen Quellen der Motive bezieht, für die sich interessiert, bevor sie sich mit lebenden Modellen und Gärten befasst. Sie ist auch der Beweis dafür, dass man das Malen nicht verlernt und dass eine lange Pausenzeit ohne Malerei einem wirklichen Talent und einer tiefen Sensibilität nicht schadet.

Zumal Christiane LECOMTE meisterhaft beherrscht, was keine Reue duldet: die Aquarellmalerei. Und das mit Brillanz und wahrer Persönlichkeit.

Ihre Art Blumen zu beschreiben zum Beispiel setzt sich über den berühmten "Dokumentarsinn" der seinerzeitigen Kunstakademien hinweg und man muss es einmal gesehen haben, wie sie mit Sicherheit und Originalität extravagante Landschaften gestaltet.
Was die Aktmalerei angeht, hat Christiane LECOMTE es verstanden, Genre-Effekten zu widerstehen und, wenn auch die Sinnlichkeit nicht so stark herauskommt, wie groß sind doch Harmonie und Charme, die von ihrem schnellen Pinselstrich und der willkommenen Schlichtheit ihrer bewundernswert verwendeten Farbenpalette ausgehen.

André Ruellan

[Versión española]

Me gusta mucho escribir sobre Christiane LECOMTE: sus obras, sus escritos, sus declaraciones son todo honestidad y transmiten una manera de crear desbordante de placer con total sencillez.

Primeramente –permítanme la expresión– la artista pone las cartas boca arriba haciendo referencia a las fuentes fotográficas de los motivos que le interesan, antes de lanzarse a los modelos vivientes y jardines familiares. Y, seguidamente, esta pintora es la prueba de que la pintura nunca se olvida y que un extenso período de tiempo sin practicar nunca perjudica al verdadero talento y a la sensibilidad profunda.

Sobretodo que Christiane LECOMTE maneja con maestría lo que no admite ningún error: la acuarela. Y hay que ver con qué espíritu y con qué verdadera personalidad.

Su manera de describir las flores, por ejemplo, escapa al famoso «documental» de las Escuelas de Bellas Artes de antaño, y hay que ver con qué seguridad y originalidad trata los audaces paisajes.
En cuanto a los desnudos, Christiane LECOMTE ha sabido resistir a los efectos del género y aún cuando, la sensualidad es menor, cuánta armonía y encanto se desprenden bajo la celeridad del pincel y la sobriedad bien venida de la gama de colores que la artista utiliza admirablemente.

André Ruellan

[versione italiana]

Mi piace molto scrivere a proposito di Christiane LECOMTE: le sue opere, i suoi scritti, le sue dichiarazioni sono l’onestà stessa e rivelano il piacere di creare in perfetta semplicità.

Per prima cosa (accordatemi questo facile gioco di parole!) l’artista dà il tono facendo riferimento alle fonti fotografiche dei motivi che la interessano, prima di lanciarsi con modelli vivi e giardini familiari. E poi, è la prova che pittura non la si dimentica mai e che un lungo lasso di tempo senza praticarla non può nuocere a chi possiede un vero talento ed una profonda sensibilità.

A maggior ragione considerando che Christiane LECOMTE maneggia con maestria una tecnica che non tollera alcun ripensamento: l’acquarello. E con che brio, con quale personalità.

Il suo modo di descrivere i fiori, ad esempio, si distacca dal famoso “documentario” delle accademie artistiche di un tempo, e bisogna vedere con che sicurezza ed originalità tratta audaci paesaggi.
Per quanto riguarda i nudi, Christiane LECOMTE ha saputo resistere agli effetti del genere, e anche se la sensualità è meno marcata, dal celere pennello e dalla sobria gamma cromatica che l’artista padroneggia meravigliosamente emergono un gran fascino ed una profonda armonia.

André Ruellan

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