Critiques d'art
Textes de Luis Porquet
Fabrique des Savoirs de la Métropole Rouen Normandie à Elbeuf
Hector Malot revisité – Un immense écrivain à la pointe de son temps
Un article inédit de Luis PORQUET - journaliste, polygraphe.
Hector Malot, Le roman comme témoignage fait partie de ces événements dont l’impact culturel s’avère d’une grande portée éducative. Conjuguant la sortie d’un livre, une exposition de longue durée et une série d’animations autour de l’immense écrivain, cette manifestation rend hommage à une œuvre indissociable de la Normandie où Malot (1830-1907) avait ses racines. Journaliste, auteur prolifique, humaniste et visionnaire, Hector Malot fut, de son vivant, l’un des écrivains les plus lus et respectés. Son opportune redécouverte nous éclaire sur l’incidence humaine et politique de ses romans, basés sur une étude scrupuleuse de la société de son temps.
Reposant sur un solide partenariat, Hector Malot, Le roman comme témoignage n’est pas une manifestation banale. Elle conjugue en effet les efforts de Rouen Métropole Normandie par le biais de La Fabrique des Savoirs à Elbeuf, les compétences de plusieurs universitaires, de l’Association des Amis d’Hector Malot dont l’arrière-petite-fille, Agnès Thomas-Vidal, est la très dynamique Secrétaire, et l’engagement de Nicolas Coutant, Directeur adjoint du Musée national de l’Education, ces deux personnalités assurant la direction du projet.
Né à La Bouille et fils de notaire, Hector Malot aurait pu suivre l’exemple de son père si son imagination, son goût des voyages et de la littérature ne l’avaient emporté sur toute autre considération. Soutenu dans cette voie par sa mère, il finit par bouder le droit, faisant le choix du journalisme et d’une vie plus aventureuse. Paris allait ainsi lui mettre le pied à l’étrier. Pour cet esprit indépendant, il n’était pas question d’un destin tout tracé et par trop sédentaire. Suivant l’exemple de Balzac, il devait scrupuleusement étudier les personnages de ses romans et les mœurs de la France provinciale, fort différents de ce que Paris offrait de pièges et de tentations de toutes sortes. Pourtant, le succès venu et généreusement salué par ses pairs (il eut un succès comparable à celui de Zola et Jules Verne), Malot n’allait jamais renier son amour pour la Normandie, territoire où sont situés bon nombre de ses romans comme par exemple Baccara, dont l’histoire est liée à Elbeuf et au déclin de de l’industrie textile vieillissante malgré ses mérites, Complices, qui a pour cadre Oissel, ou Un curé de Province, qui évoque de façon voilée la construction de la Basilique de Bonsecours. Ces raisons eussent suffi pour que la Normandie lui rende justice en un temps où son nom n’est plus attaché que la notion d’auteur pour la jeunesse, ce qui est injuste et cruellement réducteur. Qui n’a lu, il est vrai, Sans famille, un best-seller connu et adapté dans le monde entier ?
Depuis pas mal d’années, l’Association des Amis d’Hector Malot accomplit un travail de titan pour remettre en circulation, par le biais de rééditions successives, les romans oubliés de Malot (qui en écrivit une bonne soixantaine). A quoi est attribuable cette désertion qui dura tout de même un certain nombre de décennies ? Allez comprendre ! Ce qui compte aujourd’hui c’est de revoir Malot remis en pleine lumière grâce aux contributions de lettrés dévoués à sa cause : Yves Pincet, Président fondateur de l’Association des Amis d’Hector Malot, Myriam Kohnen, Luxembourg/équipe Zola de Paris III, Francis Marcoin, professeur des universités, ancien Président de l’Université d’Artois et Président de l’Association des Amis d’Hector Malot, Viviane Alix-Leborgne, docteur es Lettres, Christine Prévost, de l’Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education de Lille qui, sous la direction de Nicolas Coutant, Directeur adjoint du Musée National de l’Education et d’Agnès Thomas-Vidal, Secrétaire de l’Association des Amis d’Hector Malot et descendante de l’écrivain ont largement participé à l’ouvrage dédié à Malot que publient les prestigieuses éditions des Falaises, à Rouen.
En consultant le site lafabriquedessavoirs.fr le lecteur pourra s’informer des nombreuses animations orchestrées autour de cet espace éducatif, situé 7, Cours Gambetta à Elbeuf. Tél. 02.32.96.30.43. Les nombreux rendez-vous prévus (visites découvertes, conférences, lectures, projections) s’échelonnent jusqu’au 21 mai 2017.. L’exposition mérite une visite approfondie. Un droit d’entrée de 4 euros est demandé au visiteur. Site de l’association des Amis Hector Malot : www.amis-hectormalot.fr
Saint-Ouen de Thouberville
21ème Salon CREA : l’art donné en partage
Présenté par l’Association Culturelle et Festive Thoubervillaise, associée à l’équipe municipale de Saint-Ouen de Thouberville, le 21ème Salon artistique C R E A accueille cette année une vingtaine d’exposants auxquels s’ajoutent les élèves de l’Ecole de Peinture et les enfants des Ecoles de cette charmante commune de l’Eure.
S’ouvrant sur une citation de Baudelaire datant de 1846, le catalogue de l’exposition insiste sur la nécessité de l’art : « Vous avez besoin d’art, nous est-il rappelé. L’art est un bien infiniment précieux, un breuvage rafraîchissant et réchauffant, qui rétablit l’estomac et l’esprit dans l’équilibre naturel de l’idéal. Cependant, il est juste, si les deux-tiers de votre temps sont remplis par la science, que le troisième soit occupé par le sentiment, et c’est par le sentiment seul que vous devez comprendre l’art ; - et c’est ainsi que l’équilibre des forces de votre âme sera constitué. » Qu’ajouter au regard clairvoyant du poète qui fut aussi fin critique d’art ?
A ceux qui considèrent l’art comme futile ou réservé aux initiés, nous répondons qu’il n’est pas nécessaire d’être érudit pour admirer ni d’être connaisseur pour tomber amoureux. Il suffit de laisser parler son cœur, de s’abandonner au charme des œuvres elles-mêmes. Au-delà, il est toujours temps d’apprendre et de se cultiver. Pour notre part, nous ne cessons de répéter que l’art est un moyen de prendre de la hauteur sans perdre son humanité. Il reflète ce qui, en chacun de nous, parle à l’universel. Il est tout le contraire d’un dogme ou d’un refus de l’autre, cet autre qui n’est jamais que l’ombre portée de nous-mêmes.
En parcourant le Salon dans l’ordre alphabétique, commençons la visite par ALBENA, artiste autodidacte venue, il y a quelques années, de Bulgarie. D’abord poète, architecte, puis graphiste (cette formation se ressent dans sa singulière approche du dessin), cette jeune femme polyglotte et sensible (elle traduit notamment le Russe) fut naguère l’invitée du Château de Vascœuil qui a vu défiler les plus grands noms sur ses cimaises. Dali, Léger, Paul Delvaux, Vasarely, Braque et Chemiakin ont en effet marqué les lieux. Ce fut donc, pour Albena, une étape mémorable vers la reconnaissance. Parmi ses sources inspiratrices, Albena revendique les contes de fée de son enfance, l’art de l’icône, la culture slave, l’héritage culturel de l’Inde et du Japon, l’art nouveau et l’architecture. C’est un monde onirique, tourné vers l’intériorité, l’amour et la beauté qu’elle nous révèle par ses peintures d’une extrême délicatesse. On a l’impression d’entrer dans une histoire qui serait écrite hors du temps, comme protégée de toute violence. Autant-dire avec quel bonheur on s’abreuve de son œuvre et de la féerie qui la sous-tend.
D’une tout autre nature, mais tout aussi original, l’univers d’Isabelle ALLANO intègre les techniques numériques à une recherche personnelle où formes et couleurs composent une sorte de ballet rythmique autour du principe de symétrie. Les «paysages » élaborés qu’elle nous propose sont nés de photographies dans lesquelles s’immiscent des textures, des découpages et des dessins. En parallèle à cette quête, elle présente une robe réalisée en toile de parachute, parure qui rappelle les costumes de théâtre, avec toute la fantaisie que suppose cette comparaison. Jamais détachées des émerveillements de l’enfance et des images qu’elle tisse durablement dans la mémoire, Isabelle Allano a fait de sa technique un langage assez inédit.
Pratiquant la photographie qu’elle envisage comme une peinture Nadia AUBRIER, qui possède une solide formation artistique (elle est notamment passée par l’Académie de la Grande Chaumière et l’Université Paris-Sorbonne), nous présente des œuvres singulières car assez difficiles à classer quant à leur genre et leur objet. Il n’en reste pas moins que sa recherche, inspirée par la ville et son architecture, produit d’étonnants résultats. Prenant appui sur un travail de recomposition, elle donne à chacune de ses œuvres une atmosphère particulière en jouant avec la lumière, la densité des formes, des matériaux et des couleurs, en raccordant plusieurs étapes bien difficiles à dissocier.
C’est aux travaux d’aiguille que s’adonne Michèle CHEDEVILLE. Partant d’un carton réalisé par ses soins, elle a fait du coton sa palette de couleur, donnant naissance à des motifs qu’elle assemble avec patience dans une intention délibérément « picturale » et décorative. Elle a pu aussi bien se lancer dans une quête géométrique que s’éprendre d’un paysage qu’elle va plaisamment adapter à ses contraintes techniques. Dans l’un d’eux, l’on voit deux verrières d’église apparaître avec vigueur au premier plan d’un paysage de couleurs plus tendres. Michèle Chedeville aime associer les rythmes et les figures, partant de thèmes floraux ou de signes plus ou moins chargés de symboles.
Avec Daniel Yvon COAT, le primat accordé à la couleur produit un effet percutant sur l’œil du spectateur. C’est une exposition sur le portrait incluant des œuvres de Francis Bacon qui, en 1986, fut pour lui le déclic d’une aventure de longue haleine. D’un geste nerveux et rageur, cet artiste d’un abord chaleureux s’empare de l’humeur du moment pour dépeindre la figure humaine, pouvant passer du rire aux larmes, tant son sujet peut revêtir de facettes inattendues. Il n’a jamais fini de scruter les traits et les regards, déformant, bousculant à loisir la morphologie de ses modèles, y faisant apparaître un rictus parfois teinté d’ambiguïté. Ici, c’est le visage halluciné de Vincent Van Gogh, qui lui a servi de prétexte. Dans une gestuelle sans repentir, il en a exprimé la torture et l’amour étincelant de souffrance.
On connaissait Alain COLLIARD, peintre figuratif, sculpteur et cartonnier épris de la figure humaine. On savait la passion qu’il nourrissait pour les voyages en terre lointaine, de l’Amérique latine à l’Extrême-Orient, magnifiant la vie et le travail des humbles. Mais qui aurait pensé qu’il se tournerait vers l’abstraction ? Et voilà tout à coup qu’il déconcerte le visiteur, trop habitué à son langage pour ne pas se trouver dérouté de cette soudaine prise de risque. Mais qui pourrait lui reprocher de tout remettre ainsi en jeu ? Car l’art est justement fait pour surprendre, bousculer les habitudes et ne pas se laisser enfermer dans un style, eût-il, comme c’est le cas pour notre artiste, donné des preuves marquantes dans le passé. C’est avec un esprit non moins aventureux qu’Alain Colliard nous livre ses toutes nouvelles compositions, passant d’une palette vive à des tonalités plus assourdies, plus calmes.
Chez Roger COURTOIS, la peinture est un acte esthétique total dans lequel se glisse un certain érotisme, illustré par la présence quasi obsessionnelle du sein, symbolisé par le citron dans certaines des ses œuvres récentes. Nous découvrons ici un autre aspect de ses travaux, qui s’accommodent fort bien du langage en trois dimensions. Nous regrettons pour notre part qu’il ne pratique pas davantage le volume : ici, des formes découpées dans lesquelles s’incèrent des motifs sur fond géométrique. Parti d’une expérience héritée du surréalisme, Roger COURTOIS nous donne cette fois la pleine mesure de sa vision. Il a créé des œuvres réalisées sur des cubes en carton léger, subtilement suspendues dans le vide, en état d’équilibre au-dessus d’un socle de bois. Et pourquoi ne s’attaquerait-il pas à une oeuvre en forme de puzzle, semblable à ces jeux de cube qu’on donne toujours aux enfants ? Un projet un peu fou mais qui devrait lui correspondre. Pour cerner le corps entier, il faudrait en rassembler les différentes parties éparses.
Le caractère manifestement onirique et lyrique de l’œuvre de Laurence COUDREY trouve sa source dans la tradition maniériste, fantasmagorique et symboliste, écrit le peintre François Priser, artiste dont le talent a franchi nos frontières. Il est vrai que ses travaux actuels semblent tendre l’oreille au surgissement du mystère, un mystère empreint de merveilleux ou de délicieux sortilèges. C’est aussi que Laurence COUDREY, à force de recherches menées en toute liberté, semble avoir atteint un ailleurs, un domaine où la vie intérieure s’exprime dans une langue poétique, à travers des gestes sinueux, des courbes et des textures soyeuses et veloutées. Bien malin celui qui peut deviner ses secrets de fabrication, même si l’on peut émettre quelque hypothèse à ce sujet.
Rien de prémédité dans la peinture de Patricia DUBREUIL. Ne calculant pas ses effets, elle se laisse emporter par l’humeur, l’atmosphère, l’inspiration du jour. Une sensation, une musique, un geste, une parole soudain échangée et voilà qu’une forme jaillit, qu’une couleur prend la parole. Il y a quelque chose d’automnal dans sa toute dernière livraison, une vibration accordée à la coloration des feuilles qui tourbillonnent au-dessus de nos têtes avant d’atteindre la terre ou la surface des eaux. Un cercle, ou plutôt une sphère, occupe une partie de l’espace, telle une pleine lune devant laquelle défilent les ombres des nuages poussés par le souffle du vent. Un monde où sont tapis bien des secrets.
Avec M. et Mme GORGÔ, nous entrons dans une création à quatre mains si l’on peut dire. Chacun d’entre eux pratique la peinture depuis pas mal d’années déjà. De leur étrange association est né un univers troublant où le temps des horloges s’affole pour livrer passage à des visions plus ou moins cauchemardesques ou lourdement chargées de symboles. L’un compose, l’autre réalise. Est-ce de l’humour noir ou une projection dans l’avenir ? A chacun de tenter une interprétation. Le conflit perpétuel entre Eros et Thanatos, la pulsion sexuelle et la pulsion de mort, s’accorde ici pleine liberté, débouchant quelquefois sur des scènes apocalyptiques. Sur un décor de ville en ruine, on voit s’ébattre des dinosaures ou un satyre soufflant dans un syrinx et entouré de libellules géantes vielles de 250 millions d’années. Ailleurs, on aperçoit une femme nue (et peu amène) dans une baignoire faisant face à un singe façonnant une bulle de savon. On ne peut pas dire que ces artistes manquent d’originalité.
La photographie, cette année, compte plusieurs représentants dont Frédéric GRIMAUD qui, à la suite d’un voyage au Népal, a réalisé un ouvrage dont les profits sont destinés à la reconstruction de ce pays meurtri par un tremblement de terre. C’est peu après le séisme que le photographe se lança dans une sorte de carnet de route mené avec un grand respect des hommes et des femmes qu’il rencontra. Un séjour de trois semaines effectué au printemps 2015 lui permit d’approcher les Népalais dans leur quotidien. « La détresse n’est pas un spectacle », commente l’artiste dont les images, d’une émouvante beauté, utilisent la lumière comme le ferait un sculpteur. Cette approche sensible et humaine est empreinte d’une grande dignité et témoigne d’une certaine hauteur d’âme. Un fort bel hommage à la vie.
Stéphanie LECOMTE, qui vit et travaille à Neumours, a dû avoir quelques sueurs froides du fait que ses travaux, confiés à un transporteur, sont arrivés avec un certain retard à Saint-Ouen de Thouberville. N’ayant pu les découvrir à temps, nous avons eu recours à internet, ce qui n’est pas dans notre manière habituelle de travailler. Née à Paris en 1968, Stéphanie LECOMTE a découvert la fascination du désert au cours d’un voyage en Egypte, expérience qui bouscula sa perception de l’espace et de la peinture. Elle en a conçu un grand besoin de dépouillement dans ses compositions. Or, par un singulier paradoxe, c’est par le vide qu’on peut atteindre la plénitude, comme pourrait l’exprimer un disciple de Lao Tseu. Le problème des Occidentaux provient de l’accumulation des objets, de leur difficultés à réduire leurs besoins pour les ramener à l’essentiel. Pratiquant une peinture fonctionnelle, au sens philosophique du terme, Stéphanie LECOMTE pratique la peinture comme une sorte de yoga.
Avec Michèle MAREUGE, nous entrons dans un autre domaine, celui de l’encre et du papier, support adapté à la quête que mène cette artiste de l’Eure. On se rapproche d’une vision orientale et dépouillée de la peinture, avec ses techniques calligraphiques éprouvées par une longue tradition de lettrés. La démarche est portée par le rythme, la musicalité native des signes et de leur pouvoir propre. Chez cette artiste, qui présente également une robe évoquant le monde du théâtre, l’œil voyage à travers les sables, la blancheur, le silence radieux des rivages, arpentés à coups de traits fins, innombrables, enchevêtrés comme les tresses d’un ouvrage de vannerie. Une belle sensibilité que l’on pourrait sans doute apparenter aux livres d’artistes. Une recherche pleine d’intérêt.
D’origine russe, Rada MESYATSEVA est une jeune artiste diplômée de l’Ecole d’arts de Saint-Pétersbourg, ville dont le rayonnement culturel est reconnu du monde entier. Elle vit en France depuis dix ans et s’est installée à Rouen. La terre est son matériau d’élection. Elle en fait surgir des sculptures d’une stimulante beauté inspirées par le corps humain et subtilement mises en scène, car l’artiste possède un sens évident de l’espace. L’une d’entre elles figure une ronde où il est tout à fait aisé de deviner des personnages mus par un même élan, au point de fusionner en un seul bloc. Le caractère métaphysique puissant de la métaphore donne à l’ouvrage une portée spirituelle. Une discrète sensualité naît de ces formes mises en scène en toute liberté. On pense à une chorégraphie.
Pratiquant la photographie avec un sens étonnant du détail, Hervé MILLIARD a fait de la ville le support exalté d’une quête très personnelle. Citant Milan Kundera à travers un extrait de « L’insoutenable légèreté de l’être » (sur la page présentant son travail dans le catalogue), il nous amène à réfléchir sur l’envoûtement que suscitent les paysages urbains, l’architecture ou le va-et-vient incessant des véhicules courant vers leur destination. L’artiste semble être tout particulièrement sensible aux atmosphères nocturnes qui crépitent de reflets furtifs, passant sans difficulté du noir-et-blanc à la couleur. C’est d’une manière très picturale qu’il aborde chaque sujet, toujours soucieux de la composition, captant les moindres nuances et turbulences de la lumière.
Accordant une touchante attention au règne animal, auquel elle voue une tendresse fraternelle, Christine QUINIO s’interroge sur l’arrogance de l’Homme dont l’avidité conquérante a provoqué de lourdes pertes dans les rangs de la vie sauvage. Elle en fait un devoir évident de mémoire. Dans moins de vingt ans, si les choses demeurent inchangées, combien d’espèces encore auront déserté la planète, comme ce fut le cas du dodo de l’île Maurice ? Un certain sentiment d’urgence explique pourquoi Christine QUINIO s’applique à rendre hommage à ces regards, bouleversants de vérité, qui ont, un jour ou l’autre, croisé sa route : un singe, une girafe ou tout autre prodige de la nature dont nous a gratifié la Terre. Le changement d’échelle que nous impose le peintre provoque une étrange sensation sur le visiteur, comme s’il se trouvait dévisagé, traqué lui aussi dans sa chair.
Fabienne SAPOWICZ semble avoir lu avec profit le poète essayiste François Cheng, dont l’œuvre nous aide à pénétrer les secrets de l’âme chinoise. Considérant la peinture comme un espace ouvert, un accès à la vie spirituelle, Fabienne Sapowicz évite de pousser trop loin son travail. C’est la notion d’inachèvement qui l’intéresse et la motive dans sa recherche proche de l’art abstrait. Si l’on peut, selon sa sensibilité, y déceler un paysage aux contours vaporeux, nébuleux, cette lecture peut rester en suspens, entre ciel et terre. « Je me repose en plein ciel » dit un poème dont nous avons hélas oublié le nom de l’auteur. Cet entre-deux serait-il donc le lieu même de la poésie ? Fabienne Sapowicz présente également une robe créée avec des boîtes de jus de fruit subtilement reconverties en œuvre d’art.
Jean-Serge SEILER est lui aussi un peintre porté à la contemplation. Il y a dans ses paysages, totalement surgis du rêve et de l’imagination, comme un appel, une invitation salutaire pour l’esprit. D’immenses espaces vides s’étendent à l’infini devant les yeux du spectateur, provoquant chez lui une sorte d’apaisement, le mettant à l’état de repos. Un horizon un peu brumeux derrière lequel on sent ruisseler une lumière, un territoire radieux et inconnu. L’œil voyage vers un au-delà frémissant de poésie, comme une caresse soyeuse. Pour cet artiste méditatif et nourri de littérature, la météo de l’âme est source de réflexion. Entre le proche et le lointain se noue une sereine alliance dont le secret renferme le sel même de la vie, une caressante sensualité qu’aucune aube nouvelle jamais ne pourra épuiser. Jean-Serge SEILER, dont la plume est aussi alerte que sa touche est légère, est pour nous un être précieux.
Guy THOUVENIN a pour complice et alliée la lumière car c’est par l’image photographique qu’il a choisi de s’exprimer, captant ce que les gens pressés laissent échapper, tant son regard est exercé à déceler le détail qui fera toute la différence. Cette capacité à surprendre et saisir ce que seul voit l’artiste exercé permet à Guy THOUVENIN toutes les exaltations. C’est par cette aptitude qu’il trouve son miel au fil de ses déambulations. Du quotidien peut, à cette condition, surgir l’insolite ou le merveilleux. Il suffit, comme l’écrit Georges Haldas, d’être en état de poésie. Parfois c’est par un rapprochement inattendu que la magie des choses opère et prend son envol. Il en résulte une émotion dans l’œil du spectateur qui n’a plus alors qu’à entrer dans l’univers du photographe.
Chez Ghislaine VANDERPERT, l’art du trompe-l’œil reprend ses droits par le biais de la nature morte ou autres sujets de ce genre. Rien que de très classique en ce domaine, mais il faut reconnaître à l’artiste un réel souci du détail, sensible dans sa manière de traiter une grappe de raisin, une pièce de porcelaine, un œuf, une cruche ou la transparence d’une bouteille, comme si Ghislaine VANDERPERT voulait restituer la sensation de la matière. « Julie au bain » son tableau retourné, subtil échantillon de cette peinture de « virtuose » n’est pas à nos yeux sans humour. Chaque objet, chaque détail reprend vie, chargé de présence, de reflets et de nostalgie, comme s’il était chargé de mémoire.
Pour Pascale VINE, qui a recours à la technique de la tempera à l’œuf, utilisée dès le XVe siècle par les primitifs italiens et reprise au XXe par des artistes abstraits comme Viera da Silva ou l’américain Rothko, le traitement du paysage tend vers une sorte d’effacement progressif, comme si le regard tentait de le saisir ou le reconstituer en rêve. Les œuvres délicates de Pascale Viné acquièrent ainsi une portée narrative, une poésie augurale permettant à chacun d’y projeter sa propre vision de l’espace. Nous aimons particulièrement cette approche vaporeuse des cimes immaculées de la montagne, siège de tous les songes, de tous les élans spirituels. Une sensation de sérénité et d’extrême légèreté s’empare du spectateur, comme si l’œuvre libérait la pensée des effets de la pesanteur.
Comme au cours des années précédentes, on a tenu à associer les enfants des écoles de Saint-Ouen de Thouberville au projet artistique du salon, en mettant à contribution les enseignants de la commune qui se sont, sans difficulté, prêtés à l‘aventure. On n’insistera jamais assez sur le rôle de tels événements pour éveiller la sensibilité et la curiosité des jeunes élèves. Car l’art demeure un formidable outil de formation et de connaissance dans la vie de chacun d’entre nous. Il permet en effet de sortir de l’utilitaire tout en stimulant les ressorts de l’imaginaire. C’est aussi un facteur de dialogue et d’harmonie sociale dont l’acquisition accompagne toute la vie de l’adulte. Quiconque n’a pas été touché par les arts dès l’enfance aura peine à les intégrer à sa vie de futur adulte.
Comme chaque année, plusieurs thèmes ont été déclinés par les classes participant au projet : le portrait, les arbres, l’automne, la danse, les dinosaures, ainsi qu’un clin d’œil à certains artistes. Sachons reconnaître et encourager les dons de nos jeunes artistes afin qu’ils continuent, plus tard, à aimer l’art, cette discipline si nécessaire à notre humanité.
CREA 2016, Centre Régional d’Education Artistique, Salle Pierre Paul Richer, 27310 SAINT-OUEN DE THOUBERVILLE. Du 19 au 27 Novembre. Du lundi au vendredi, de 17h à 19h. Samedi et dimanche, de 14h à 18h. Un Salon pas comme les autres. Tél. 02.32.56.22.08. Email : mairie.saintouenthouberville@wanadoo.fr
Photographe : Vincent BRIEN
CŒUR NOMADE
(Haïkus)
Le nouvel ouvrage de Luis PORQUET
Haïku est le nom donné à une forme poétique dont l'origine vient du Japon. Composé de trois vers ayant respectivement cinq, sept et cinq syllabes, le haïku a atteint sa forme la plus pure avec Bashô,
Issa ou encore Buson, poètes nippons figurant parmi les grands maîtres du genre. La concision et la fraîcheur du haïku sont telles qu'il semble intemporel, car saisi au cœur de l'instant, comme un parfum.
Pratiquant le haïku depuis vingt-cinq ans, Luis PORQUET en a écrit plusieurs centaines à partir desquels Christophe Chomant, son éditeur rouennais, a puisé pour établir la sélection qu'il nous propose
avec Cœur nomade. La plupart de ces textes sont nés au cours des trois dernières années. Leur auteur les associe à sa pratique de la marche vécue non comme une épreuve d'endurance ou une compétition,
mais comme une forme de méditation active. C'est au rythme de ses pas et de ses sensations que Luis PORQUET a, de son propre aveu, laissé les mots venir à lui dans des textes comme :
Mais comment le saurais-tu
Sans le peuplier ?
Parcouru par les multiples voix du monde, le poète nous offre une leçon de présence, retrouvant le chemin d'une vérité universelle. Limité à 100 exemplaires numérotés à la main, Cœur Nomade a été conçu avec soin sous forme de portfolio.
Couverture réalisée en papier artisanal imprimée au plomb sur Daughaday 1874.
Ouvrage façonné à la main.
Prix de vente : 22 Euros.
On peut le commander dès maintenant à Christophe Chomant Editeur, 16, rue Louis Poterat, 76100 Rouen
Tél. 06.20.46.52.18. Livraison rapide.
De Matière et d'Esprit
Ouvrage consacré à Michel LARIVIERE - Préface de Bernard CAZENEUVE
UN REVE EVEILLE
Une tentative jamais terminée de comprendre la face cachée des choses et une curiosité insatiable, lui permettant d'organiser sa rêverie irrationnelle en activité rationnelle, font de Michel LARIVIERE
un alchimiste de la couleur qui spiritualise la matière en corporifiant l'esprit.
Matière, vie, pensée, action sont les quatre éléments sur lesquels sa quête s'est construite en traversant tous les champs de son possible, l'entraînant vers le cinquième élément,
la quintessence qu'il exprime par la lumière
Vous souhaitez acquérir cet ouvrage ? Contactez Art-Culture-France : jacques.duval@art-culture-france.com ou 02.31.39.02.77
Devenir afin d'Exister
Essai consacré au peintre Françoise LEMAITRE-LEROUX (préface de Bernard Boscher, Expert auprès de Cambridge Expertise, Critique C.E. /C.A.)
Ouvrage en couleur de 150 pages réalisé par Art-Culture-France.
Vous souhaitez acquérir cet ouvrage ? Contactez Art-Culture-France : jacques.duval@art-culture-france.com ou 02.31.39.02.77
Fred ELIAN, auteur-compositeur-interprète
Une voix mise au service des mots
C'est à Brassens que Fred Elian doit son amour de la chanson française. Très jeune encore, il accéda, grâce à son père, interprète inconditionnel du grand Georges, au monde inédit du poète. Brel, Perret et Félix Leclerc contribuaient également à l'ambiance familiale. Parvenu à l'adolescence, Fred allait tardivement découvrir Jean-Michel Caradec, artiste fauché en pleine jeunesse, et quelques voix d'Outre-Atlantique comme Bob Dylan ou Neil Young. La guitare, tout naturellement, s'imposa comme instrument d'accompagnement. Alors qu'il était encore au lycée, Fred eut, dans son établissement, la chance de se produire aux côtés de Joël Favreau, guitariste de Brassens, et d'un certain Allain Leprest, auteur-compositeur normand fraîchement débarqué à Ivry. Stimulé par ces brèves rencontres et la ferveur de ses aînés, Fred, en parfait autodidacte, n'eut dès lors qu'une idée en tête : devenir auteur-compositeur-interprète tout en restant conscient des embûches notoires du parcours.
C'est pour vaincre sa timidité que Fred Elian s'obligea à monter sur une scène. « C'est sans doute par besoin d'être aimé qu'on ose affronter un public, avoue-t-il. J'étais tellement introverti que je dus me faire violence pour chanter devant un micro. A partir de dix-sept ans, l'expérience progressive des concerts, des scènes et des concours me poussa à sortir de mon isolement. C'est à la chanson que je dois mon intérêt pour la guitare et la poésie. A mes yeux, c'est le texte qui, à soixante-dix pour cent, fait la force intrinsèque d'une chanson. La musique et la voix doivent se mettre au service des mots. Avant de chanter, j'ai besoin d'écouter et de comprendre ce qu'ils racontent. J'attache une immense importance au sens et à la qualité du son.»
Revendiquant ses maîtres, parmi lesquels figurent Cabrel, Le Forestier, Souchon ou Louis Chédid, sans oublier l'œuvre étonnante de Caradec qu'il connaît mieux que quiconque, Fred Elian vient de participer à un double concert donné au XXème Théâtre à Paris, en hommage à Jack Treese, artiste américain majeur de la scène française des années 70-80, dont l'œuvre, par sa richesse, mérite une large redécouverte. La fine fleur du métier prit part à l'événement. Un superbe coffret de trois CD, actuellement en souscription sur le site www.autourdejacktreese.com sortira au printemps prochain. On y retrouvera avec Fred des artistes de renom comme Julos Beaucarne, Patrice Caratini, Gilbert Laffaille, David Mac Neil, Jean-Jacques Milteau, Michel Haumont, Jacques Yvart, José Artur ou Steve Waring. Produit par FRIENDSHIP FIRST et Catherine Treese, ce coffret s'accompagne d'un magnifique livret de 136 pages dont le journaliste et auteur Jacques Vassal, grand spécialiste de la chanson depuis les années 1960, a réalisé la présentation des artistes participants.
Mais au-delà des hommages aux aînés, c'est aujourd'hui à son propre répertoire que Fred se consacre en vue d'un premier album personnel. Ayant déjà connu des scènes parisiennes comme le Théâtre de l'Essaïon ou le Casino de Paris, tout espoir lui est permis. Ses qualités vocales et ses dons de compositeur s'imposent dès la première écoute. Exigeant dans ce qu'il entreprend, insoucieux des idoles et des recettes du jour, ce jeune professeur de musique n'abandonne rien au hasard, oscillant entre romantisme et ironie bien tempérée. S'étant produit avec pas mal d'artistes, il ne néglige pas les duos, partageant quelquefois la scène avec une chanteuse (Madeline Caradec, Nicole Rieu, Angélique Houchard) ou des musiciens amplement confirmés. Il collabore aussi avec d'autres artistes, notamment Gildas Marronnier, chanteur troyen sur le point de sortir un EP 4 titres dont les textes sont signés Fred Elian. Ayant suivi son cheminement depuis une dizaine d'années, nous voyons désormais en lui un réel espoir pour demain. Ce garçon parfaitement maître de sa voix et de ses choix (ce qui n'est pas le cas de tous les chanteurs à la mode) a gardé la fraîcheur de ses débuts aventureux. Il émeut par son style et son refus de l'artifice. Travaillant comme un artisan dans son propre studio, il fait surgir de sa guitare des musiques toujours plus soignées. On ne peut que lui souhaiter toute la réussite qu'il mérite en espérant qu'un producteur ait la bonne idée de l'engager car il a vraiment du talent.
Vous pouvez rejoindre Fred Elian sur Myspace et Facebook et découvrir ainsi son univers.
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